Michel Preumont – Le blog des critiques de concerts – 15/09/2017
Trois ans après ‘Stranded’, Cécile « Seesayle » Gonay soumet un nouvel album, nommé ‘Stamina’, non, il ne s’agit pas de l’endroit enfumé où Baudelaire venait quotidiennement lire son journal, on opte plutôt pour le mot latin (pluriel de stamen), traduit par étamines, sans aucune certitude, toutefois!
La discographie du professeur de Huy se développe: deux démos (désormais introuvables), un live et trois albums studio. On n’a consigné que les enregistrements portant Seesayle comme griffe, puisque le violon, la basse, la guitare, le piano ou les cordes vocales de Cécile s’entendent ou s’entendaient dans différentes formations: Fifrelin, Adieu les Guêpes, Keiki, Naifu, Richard Brett, Alvin, l’Orchestre du Vent, Elle et Samuel, [ici], ou la dernière mouture de Baby Fire…
‘Another day’, métro, boulot, dodo, la routine devient une berceuse chantée d’une voix de fée sur fond musical où domine le glockenspiel puéril, avec de temps en temps des poussées nerveuses du violon. Seesayle nous a toujours étonnés par la richesse baroque de ses arrangements.
C’est inévitable, les éternelles comparaisons avec Kate Bush vont resurgir à l’écoute d’ ‘Eileen’, qui n’est pas la copine de Johnny Ray chantée par les Dexys Midnight Runners, mais une jeune fille rêveuse et romanesque, dotée de pouvoirs magiques.
Un piano wagnérien amorce ‘How far’, une plage dramatique qui nous rappelle certains morceaux de Daniel Barbenel du Black Light Orchestra.
Un charango joué en pizzicato pour introduire le grave ‘Useless’, une plage s’accordant parfaitement à la météo maussade sévissant depuis la rentrée scolaire. Le moral au plus bas, tu médites à la vue d’un jardin détrempé où les roses gorgées d’eau n’arrivent plus à s’ouvrir et réclament le soleil. Verlaine, qui passait dans le coin, prête une oreille à la triste mélodie et avance… L’espoir luit comme un caillou dans un creux. Ah ! quand refleuriront les roses de septembre…
Tiens, voilà le rossignol, ‘By the way’, son chant est doux et caressant, la jeune fille laisse aller son imagination. Pas de rêves érotiques, aucune forme oblongue ou totems qui punissent, non, une tendre mélancolie amenant ton cerveau à concevoir les adolescentes pensives d’ Edward Burne-Jones ou de Fernand Khnopff.
‘Young lady’, la frêle petite ballerine, une figurine imaginée par Degas, sort de sa boîte à musique pour tournoyer avec élégance.
Ce feu qui me brûle m’empêche de dormir, ‘Fire’, les doigts agiles effleurant les touches du piano sont autant de vives flammèches. Il y a du An Pierlé dans ce morceau tourbillonnant.
Qui croire, ils te racontent tellement de salades, ils sont sournois, menteurs, it’s ‘A trap’, je refuse de tomber dans leurs filets, je ne serai pas leur proie. La guitare tisse sa toile, le piano saute dans le wagon, en arrière-plan, les percussions discrètes habillent la mélodie, un chant badin vient caresser tes pavillons, sur toi, aussi, le piège se referme!
‘Storm’ démarre comme une plainte, un soupir, les sanglots du violon accentuent les lamentations de la dame déprimée, tu le sais, l’orage va éclater car le chat est parti se cacher sous le sofa. Quelques coups de tonnerre rugissent, deux éclairs, puis un retour au calme sous une fine pluie. Je me fais un thé!
Après le nocturne ‘Venisse’, d’une profondeur dramatique vient l’introspectif et plus agité ‘Top of my head’ toujours dominé par les touches noires et blanches.
Une boîte à rythmes métronomique en couche de fond, un violon lancinant, un timbre précis et précieux, ‘Not the One’ te plonge dans l’ univers tourmenté de la créature qui, plus jeune, prétendait n’aimer qu’elle – même, I’m not the one you need, passe ton chemin… She grew older, now!
La treizième et dernière plage a été baptisée ‘A while’ et c’est sur les sonorités fragiles et esthétiques du clavecin produites par une guitare sèche sortant de l’atelier d’un luthier baroque que Seesayle prend congé d’un auditeur, une nouvelle fois convaincu, de son immense talent.