And Also the Trees – Abbaye de Forest

Akim Serar – Musiczine – 04/08/2010

Doucement le cercle solaire descend des cieux, et une multitude de corbeaux envahit les pelouses de la cour intérieure de l’abbaye. Taches noires éparses et clairsemées. Puis vient la nuit, et avec elle, l’invitation à l’abandon…

Je lisse mes plumes de jais et m’engouffre à la suite de mes comparses dans le tunnel conduisant à un escalier étrangement moderne pour ce genre d’endroit. A l’étage, la salle s’offre à mon regard. Haute et sertie d’une magnifique charpente en poutres du plus beau bois. Je suis convié à prendre place dans un des confortables sièges de velours disposés en gradin. Puis la lumière décline. Recueil et silence de mise. Accueil et applaudissements timides.

Première partie : Seesayle. Seule sur scène. Tour à tour aux claviers, à la guitare, au violon, la demoiselle envoûte l’auditoire grâce à de subtils arrangements, sa voix, ses grands yeux qui vous happent, mais surtout grâce à de véritables chansons. Perles de rêves dans un écrin de velours. Tour à tour déclinées en anglais, français, hongrois ou dans une langue imaginaire aux accents slaves. Même confrontée à l’obscurité totale (orage ou mystérieux visiteurs ?) la belle garde son aplomb. Seesayle ou la clé d’un songe éveillé.

And Also The Trees quant à eux déploient leur majestueuse musique intemporelle depuis le début des eighties, mais jamais pourtant elle n’est parue datée. Classieux et loin des canevas des modes, les deux frères Jones traversent les années dans leur machine à remonter le temps sans se soucier de leur époque. Avec intégrité. Et pour se ressourcer, ils s’offrent depuis un moment une récréation acoustique. Qui s’arrête ici ce soir. Avant une date autrichienne et une autre Italienne. C’est dire si nous sommes chanceux. Bien sûr, le côté électrique et électrisant de la guitare de Justin se fait désirer sur la longueur du set. Mais offertes ainsi dans une version boisée, les chansons du répertoire de AATT se découvrent telles des naïades au sortir du bain. Belles et fragiles. Le dépouillement opère en tant que catalyseur des émotions. Mais tout en retenue. Subtilement. Et accentue le côté théâtral de leur musique. Je devrais dire dramaturge. Hanté par ses fantômes, Simon Huw Jones habite les compositions et les vit véritablement sur scène, tel un acteur qui soir après soir s’habille de la personnalité de ses différents personnages. Mentions spéciales aux morceaux issus de « Green is the sea », au classique « A room lives in Lucy » et à l’imparable « Virus meadow ». Le manteau de la nuit a recouvert l’abbaye. Quelques oiseaux aux atours de ténèbres s’attardent encore ci et là. Mais moi, je regagne mon nid. Tomorrow the sun will shine…

(Organisation : Soirées Cerises)